FIÈVRE JAUNE

FIÈVRE JAUNE
FIÈVRE JAUNE

La fièvre jaune est l’un des plus grands fléaux épidémiques qui ont longtemps rendues inhabitables ou impénétrables de vastes régions des tropiques. C’est une maladie infectieuse aiguë qui sévissait et sévit encore à l’état endémoépidémique en Afrique tropicale, en Amérique du Sud, surtout dans le bassin de l’Amazone, et en Amérique centrale. La fièvre jaune est causée par un virus appartenant au groupe des Flavivirus, transmis par des moustiques de l’homme à l’homme ou de l’animal (singe) à l’homme. De grands progrès ont été accomplis dans la lutte contre cettte maladie, grâce à l’éradication du moustique vecteur le plus dangereux, l’Aedes Aegypti , et grâce à la mise au point de vaccins efficaces. Cependant, des épidémies graves ont encore été observées par exemple en 1977-1979 au Gh na et en 1986 au Nigeria.

De la maladie au virus

Il est assez difficile de déterminer la part exacte de la fièvre jaune dans les grandes épidémies tropicales africaines et américaines qui ont été décrites dans le passé par les voyageurs, car le diagnostic qui la distingue de certaines autres maladies est parfois compliqué: la leptospirose ictéro-hémorragique, l’hépatite virale, le paludisme peuvent ressembler à la fièvre jaune. Cependant, de nombreuses sources permettent de retrouver la trace d’authentiques épidémies amariles, telle la description d’une épidémie à Gorée, au large de Dakar, en 1778. Au XVIIIe et au XIXe siècle, les médecins, de la marine en particulier, payèrent un lourd tribut au fléau, car leurs activités les amenaient à approcher les malades et à être contaminés malgré des précautions rigoureuses, mais qui se révélaient imparfaites en raison du mode particulier de transmission. Au cours des travaux du canal de Panamá, c’est la fièvre jaune qui décima les ouvriers amenés de l’extérieur et qui créa les principales difficultés. La fièvre jaune fit des incursions temporaires jusque dans les régions tempérées. En 1878, une épidémie fit 13 000 victimes dans la vallée du Mississippi; vingt épidémies atteignirent Philadelphie, quinze New York et huit Boston. En Europe, l’Espagne, la France, l’Italie et même l’Angleterre furent atteintes par des épidémies de faible ampleur et de courte durée. Cependant, l’épidémie de Barcelone, en 1821, fut particulièrement cruelle et fit plus de 10 000 morts. Il faut noter que cette maladie n’a jamais pénétré en Asie.

Les connaissances concernant la cause de la maladie firent des progrès rapides: le médecin cubain Carlos Finlay établit en 1881 le rôle vecteur du moustique (Culex mosquito ); les Américains Reed et Caroll démontrent en 1902 qu’il s’agit d’un virus ultra-filtrable – c’est d’ailleurs le premier virus découvert dans une maladie humaine. À partir de 1916, la Fondation Rockefeller consacra une partie de ses efforts à ce problème et dépensa près de 14 millions de dollars jusqu’en 1949 pour y trouver un remède. Mis au point en 1943, le vaccin 17 D permet, ainsi que le vaccin «Dakar», d’arrêter le fléau en protégeant de façon efficace les populations exposées au virus.

Le virus

Le virus fut isolé à partir de l’homme, du singe et aussi à partir des moustiques vecteurs. Les premiers isolements, effectués en Afrique occidentale en inoculant le sang des malades à des singes, furent retardés par le fait que les singes africains disponibles sur place n’étaient pas réceptifs et ce n’est que lorsque des Macarus rhesus en provenance d’Asie furent utilisés que le virus put être isolé de façon certaine. L’inoculation provoquait chez cet animal une maladie mortelle et permettait de retrouver de grandes quantités de virus dans divers organes, notamment dans le foie. On connaissait déjà la nature et l’agent de la maladie. À l’heure actuelle, on dispose de méthodes plus simples et plus pratiques pour isoler le virus, puisqu’il suffit d’inoculer le matériel supposé virulent dans le cerveau de souriceaux nouveau-nés de race sensible au virus. L’intérêt de l’isolement du virus est de conduire au diagnostic précis de la maladie lors des épidémies ou en face de cas sporadiques et aussi de permettre les études sur les diverses souches du virus. Ainsi on a pu montrer que le virus de la fièvre jaune d’Afrique était légèrement différent de celui d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale.

Le virus de la fièvre jaune est un virus fragile, sphérique, qui ne mesure que 40 micromètres de diamètre; on peut le voir au microscope électronique soit dans des préparations purifiées, soit dans les cellules qu’il infecte dans le foie humain, le cerveau de la souris ou les glandes salivaires des moustiques, par exemple. Il apparaît comme une particule possédant un noyau central dense entouré d’une enveloppe moins compacte renfermant des lipides. Le virus de la fièvre jaune est détruit par certains solvants des lipides comme l’éther ou le désoxycholate de soude et aussi par les enzymes protéolytiques. Outre les lipides, il contient de l’acide ribonucléique et des protéines. Il a des parentés antigéniques avec d’autres Arbovirus avec lesquels il constitue un groupe distinct, le groupe B, qui rassemble aussi d’autres virus comme ceux de la dengue et de l’encéphalite verno-estivale russe .

La maladie

La forme classique de la maladie commence par une incubation inapparente de 4 à 6 jours puis comporte deux phases successives.

La première débute brusquement par une poussée fébrile à 40 0C avec céphalées, rougeur et enflure de la face: c’est la phase rouge. Ces symptômes durent trois ou quatre jours, et après une rémission apparente, la «phase jaune» commence: le malade est choqué, il présente des hémorragies à localisations variées, en particulier gastriques, avec «vomito negro», le vomissement noir de sang caillé, signe caractéristique, spectaculaire et redoutable. L’atteinte hépatique s’extériorise par un ictère intense («jaunisse»), d’où le nom de la maladie. Dans les cas les plus graves, l’atteinte rénale est confirmée par l’albuminurie. L’évolution de la maladie est très souvent fatale. D’autres formes cliniques existent, avec tous les intermédiaires entre la maladie inapparente, dont le seul effet est de conduire le sujet à s’immuniser contre le virus et la forme fatale typique: dans certains cas, les symptômes d’atteinte nerveuse sont prédominants, donnant à la maladie la forme d’une méningite; dans d’autres, la maladie se limite à la première phase et reste de gravité modérée.

Il est parfois difficile, au début d’une épidémie, d’identifier la fièvre jaune qu’on peut confondre, comme on l’a vu, avec d’autres affections: paludisme, hépatite, leptospirose ou encore fièvres hémorragiques provoquées par d’autres Arbovirus. Pour aider à établir le diagnostic, plusieurs examens de laboratoire peuvent être utiles: essai d’isolement du virus, recherches d’anticorps dans le sang des malades et aussi examens microscopiques sur des fragments de tissu hépatique prélevés par biopsie sur le sujet vivant ou à l’autopsie en cas de décès. En effet, des lésions histologiques et cytologiques d’un aspect spécifique sont présentes dans le foie des malades. Cependant, au cours d’une épidémie déjà identifiée, ces recherches sont inutiles et le diagnostic peut généralement être porté d’après l’observation des malades.

Épidémiologie

La fièvre jaune se présentait, surtout autrefois, sous la forme d’une maladie urbaine, atteignant les populations des grandes villes, des petites agglomérations ou même des villages. Cette forme correspond à un cycle de transmission caractéristique: le cycle urbain homme-moustique-homme est particulièrement efficace pour disséminer le virus et donc la maladie dans les populations agglomérées. Le moustique vecteur était l’Aedes (Stegomya ) aegypti , commun sous les tropiques, dont les larves se développent dans des gîtes domestiques tels que boîtes de conserve et réservoirs d’eau. Il ingère le virus en piquant un malade; puis, après une période de latence, il devient capable de transmettre le virus à un sujet sain. Les grandes épidémies historiques étaient de ce type, et les progrès accomplis dans la connaissance de ce mécanisme ont permis, grâce aux campagnes intenses d’éradication de l’Aedes aegypti , de faire presque disparaître le fléau, en particulier en Afrique occidentale, à Cuba, en Amérique centrale et au Brésil.

En dépit de ces premiers succès, il devint vite évident que la fièvre jaune se maintenait, même si les conditions précédentes n’existaient plus: il y a donc d’autres sources de virus et d’autres mécanismes de transmission. Ces mécanismes font intervenir les singes sauvages comme réservoirs de virus. Ces animaux sont le siège d’un cycle continu de transmission, singe-moustique-singe et cette circulation de virus peut être apparente si les espèces atteintes sont sensibles à la maladie (c’est le cas en Amérique du Sud) ou inapparente si, comme en Afrique, les singes n’y sont pas sensibles. À partir de ce cycle sauvage, l’homme peut être atteint à son tour s’il s’établit une communication; par exemple, si les moustiques assurant le cycle chez le singe piquent l’homme ou les moustiques qui attaquent habituellement l’homme se nourrissent accidentellement sur un singe infecté. Cette forme de fièvre jaune dite «selvatique» est actuellement présente en Afrique et en Amérique du Sud, mais ne provoque qu’exceptionnellement une véritable épidémie. Ce fut pourtant le cas en Éthiopie en 1961 ou au Sénégal en 1965. Il n’est pas possible de combattre la maladie en éliminant les moustiques puisqu’il s’agit ici des moustiques de la forêt tropicale.

La vaccination

La fièvre jaune a été vaincue surtout par la découverte de méthodes efficaces de vaccination. Le vaccin 17 D Rockefeller est obtenu à partir d’un virus vivant atténué; l’une des premières souches de virus isolées en Afrique a été cultivée au laboratoire pendant plus de 300 passages sur des cellules d’embryon de poulet. Ces passages successifs ont atténué la virulence du virus et l’inoculation à l’homme ne provoque plus que des réactions légères ou nulles tout en assurant une immunité solide et de longue durée. La souche atténuée ne peut pas être transmise par les moustiques. Un autre type de vaccin, lui aussi très efficace, a été mis au point à Dakar grâce à une atténuation par passage sur la souris.

Ces vaccins ont été administrés à des dizaines de millions de sujets et ont permis d’éviter que se renouvellent les grandes épidémies d’autrefois et que se dissémine le virus. Les épidémies que l’on a pu enregistrer dans les dernières années correspondaient soit à l’entrée du virus dans des régions jusque-là non infectées, et où par conséquent la vaccination n’était pas en vigueur, soit à des relâchements des mesures préventives après de nombreuses années sans fièvre jaune.

L’ensemble des précautions actuellement utilisables pour prévenir le retour d’épidémies meurtrières de fièvre jaune comporte donc plusieurs mesures essentielles: d’une part, la vaccination systématique des populations habitant dans les régions définies comme des foyers de circulation du virus chez les animaux sauvages et aussi l’administration préventive de vaccins aux voyageurs qui se rendent dans ces régions ou qui en viennent, afin d’éviter la dissémination à d’autres pays (ce point fait l’objet d’une législation universellement appliquée et codifiée dans le Règlement sanitaire international); d’autre part, la recherche et la destruction des moustiques vecteurs, tout particulièrement de l’Aedes aegypti , doivent permettre une lutte efficace contre ces insectes et interrompre ainsi le cycle de transmission éventuel du virus; enfin, la mise en place d’un dispositif de surveillance et d’alerte est essentielle pour dépister très précocement les premiers cas d’une épidémie, ce qui doit permettre une intervention immédiate à l’aide des deux mesures précédentes dans une zone atteinte et dans les régions avoisinantes; en France, la fièvre jaune fait l’objet de mesures exceptionnelles et sa déclaration est obligatoire, en application du décret no 88-770 du 10 juin 1986.

Fièvre jaune maladie infectieuse grave due à un flavivirus, le virus amaril.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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